Les contrats à l’épreuve de l’épidémie de Covid-19

Confrontées aux conséquences de l’épidémie de Covid-19, les entreprises impactées peuvent être tentées d’invoquer la force majeure pour obtenir la suspension, voire la résolution de contrats devenus inutiles ou trop coûteux.

Toutefois, l’épidémie de Covid-19 et les mesures administratives en résultant ne relèvent pas automatiquement de la force majeure, dont la caractérisation est appréciée au cas par cas :

  • soit à l’aune des critères contractuels lorsqu’ils ont été définis par les parties : la seule survenance de l’événement visé au contrat caractérise alors la force majeure et emporte les conséquences stipulées, sans qu’il y ait lieu de rechercher si le fait répond par ailleurs aux critères légaux (cf. ci-après). Ainsi, statuant en référé, une cour d’appel a jugé que l’épidémie de Covid-19 et les mesures prises en conséquence constituaient un cas de force majeure au sens du contrat liant les parties, justifiant donc la mise en place du mécanisme de suspension contractuellement prévu (Paris, 28.07.2020, n°20/06676) ;
  • soit, à défaut de stipulation contractuelle, au regard des critères légaux définis par l’article 1218 du Code civil : pour caractériser la force majeure, l’événement invoqué doit être (i) extérieur, de sorte qu’il échappe au contrôle de la partie qui l’invoque et ne saurait lui être imputable, (ii) imprévisible, c’est-à-dire qu’il ne pouvait être raisonnablement prévu à la date de conclusion du contrat et (iii) irrésistible, emportant l’impossibilité absolue (et non la simple difficulté) d’exécuter l’obligation. Ainsi, traditionnellement, les juges refusent d’exonérer le débiteur d’une somme d’argent au visa de la force majeure, l’exécution d’une obligation de payer n’étant jamais véritablement impossible à moins qu’elle se heurte à une impossibilité d’ordre technique (Com. 16.09.2014, n°13-20.306 : RJDA 12/14 n°886).

Lorsque les conséquences de l’épidémie de Covid-19 rendent l’exécution d’un contrat, non pas impossible, mais simplement particulièrement difficile, les cocontractants peuvent se tourner vers le mécanisme de la révision pour imprévision (C. civ. art. 1195).

Ce mécanisme, applicable aux contrats conclus depuis le 1er octobre 2016, suppose la réunion de trois conditions :

  • un changement de circonstances, imprévisible lors de la conclusion du contrat ;
  • qui rende son exécution excessivement onéreuse pour une partie ; et
  • dont cette partie n’a pas accepté d’assumer le risque.

Une renégociation du contrat peut alors être amorcée, la partie pénalisée par le changement de circonstances étant néanmoins tenue de continuer à s’exécuter jusqu’à la conclusion, le cas échéant, d’un nouvel accord. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou saisir le juge d’une demande de révision ou de résolution du contrat (C. civ. art. 1195, al 2).

Comme la force majeure, le mécanisme de la révision pour imprévision peut être contractuellement aménagé ou écarté. Il convient donc de relire attentivement le contrat avant d’y avoir recours.

Enfin, outre les mécanismes précédemment évoqués, dont les conditions d’application sont parfois difficiles à caractériser, les parties peuvent toujours invoquer l’obligation de bonne foi pour obtenir la renégociation de leurs contrats. Le Code civil pose ainsi pour principe directeur que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi » (C. civ., art. 1104). Cette règle, d’ordre public, apparaît particulièrement adaptée au contexte actuel, où nombre d’entreprises subissent une rupture des équilibres contractuels.